Loi industrie verte et devoir de conseil

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Loi industrie verte et devoir de conseil

Caroline Jovet

07/04/25 - Loi industrie verte et devoir de conseil

Gilbert Roux : L'objectif de la loi Industrie Verte, c'est d'aider à l'accélération de la réindustrialisation de la France, et ce, dans le respect de l'environnement. Un certain nombre de règles encadrent cette loi mais savez-vous que le devoir de conseil est lui aussi impacté ? Pourquoi ? Comment ? Eh bien, c'est ce que nous allons voir aujourd'hui avec notre invitée Caroline Jovet. Caroline, vous êtes juriste expert distribution chez BNP Paribas Cardif. Bonjour et bienvenue au micro des #RDVExperts.

Caroline Jovet : Bonjour Gilbert.

Gilbert Roux : Alors Caroline, le point de départ du renforcement du devoir de conseil vient d'une recommandation ACPR de novembre 2024, mais je crois savoir qu'il en existait une antérieure. Alors pourquoi cette nouvelle recommandation en fait ?

Pourquoi une nouvelle recommandation ACPR ?

Caroline Jovet : Principalement du fait de la loi Industrie Verte. Jusqu'à cette loi, le cadre juridique était le suivant : la loi encadrait le devoir de conseil à la souscription. Elle était complétée par une recommandation de l'ACPR du 8 janvier 2013 qui portait sur la connaissance client et le conseil en assurance vie. Depuis le 24 octobre 2024, date d'entrée en vigueur de la loi Industrie Verte, le cadre légal a évolué. L'article L.522-5 du code des assurances définissait le devoir de conseil à la souscription pour les contrats d'assurance vie, de capitalisation et les Plans d’Epargne Retraite individuels. Cet article a été complété par la loi Industrie Verte pour introduire une obligation légale de conseil après la souscription dans trois situations. La recommandation de l'ACPR du 21 novembre 2024 tire les conséquences de cette évolution de la loi et vient apporter des précisions sur ce qui est attendu des distributeurs dans ce cadre.

Gilbert Roux : Donc ce devoir de conseil après la souscription d'un contrat d'assurance vie, de capitalisation ou de retraite PER individuel, se présente dans trois nouvelles situations. Quelles sont ces trois nouvelles situations Caroline ?

Le devoir de conseil après la souscription du contrat : trois nouvelles situations

Caroline Jovet : Première situation : le distributeur est informé d'un changement de situation ou d'objectif du client. Dans ce cas, la loi pose l'obligation de vérifier que le contrat est toujours adapté. La recommandation de l'ACPR apporte des précisions sur les événements déclencheurs de cette obligation de conseil. Elle précise notamment que le distributeur doit tenir compte des informations qu'il recueille du client, y compris à l'occasion de la gestion d'un autre contrat d'assurance ou d'un autre produit financier. Le distributeur doit donc réagir au changement de situation personnelle, financière ou au changement d'objectif du client dès lors qu'il en a connaissance dans le cadre de sa relation commerciale avec celui-ci. Le distributeur doit alors examiner si le contrat du client et ses options d'investissement sont toujours adaptés. Si ce n'est plus le cas, il lui faut alerter le client et lui conseiller les adaptations pertinentes. Deuxième situation : le conseil est désormais obligatoire lorsque le client envisage de réaliser certaines opérations jugées susceptibles d'affecter le contrat de façon significative. Ces opérations sont précisément définies par l'article A.522-2 du code des assurances. Il s'agit des versements, des arbitrages ou des rachats supérieurs à certains seuils. Ces seuils concernent le montant de l'opération envisagée et varient selon le niveau d'encours du contrat. Il s'agit également de tous les versements, arbitrages ou rachats, quels que soient les sommes en jeu, dès lors que l'opération concerne une unité de compte non cotée. La recommandation de l'ACPR apporte des précisions sur la démarche attendue du distributeur dans le cadre de ces opérations, à savoir : actualiser la connaissance client, recueillir les objectifs du client pour l'opération envisagée, lui conseiller une opération cohérente avec sa situation et ses objectifs et enfin, motiver le conseil donné. Enfin, dans certaines situations particulières, l'ACPR indique également attendre une information ou une alerte spécifique. J'en arrive à présent à la dernière obligation de conseil en cours de vie du contrat, il s'agit de l'obligation de conseil périodique. Dès lors que le client n'a fait aucune opération pendant quatre ans, c'est-à-dire aucun versement, rachat ou arbitrage non programmé, le distributeur doit désormais actualiser son dossier client et vérifier, sur la base des informations mises à jour, que le contrat et l’allocation d'actifs sont toujours adaptés. Le code des assurances précise les modalités des démarches à accomplir auprès du client. L'article A.522-2 détaille notamment comment gérer l'absence ou le refus de réponse. La recommandation de l'ACPR apporte également des précisions sur la démarche attendue du distributeur : prendre contact avec le client en l'informant clairement sur la finalité du recueil d'informations qui est sollicité, actualiser l'ensemble des informations de connaissance client recueillies antérieurement, alerter le client si le contrat ou les options d'investissement ne sont plus adaptées et lui conseiller les adaptations nécessaires. Enfin, dans sa recommandation, l'ACPR explicite les modalités d'entrée en vigueur de cette nouvelle obligation de conseil périodique. La loi étant entrée en vigueur le 24 octobre 2024, la première prise de contact avec les clients concernés sera à effectuer au plus tard le 23 octobre 2028. Néanmoins, l'ACPR recommande naturellement de ne pas attendre cette date pour se mettre en ordre de marche. Elle préconise de démarrer dès à présent la mise en place des processus nécessaires tels que les chantiers informatiques ou l'identification des clients concernés.

Gilbert Roux : Caroline Jovet, vous avez été extrêmement exhaustive sur les obligations en cours de vie du contrat, mais est-ce qu'il y a des changements qui interviennent au moment de la souscription du contrat ?

Le devoir de conseil avant la souscription du contrat : quels changements?

Caroline Jovet : La recommandation ACPR de 2013 précisait déjà les éléments de connaissance clients à recueillir avant la souscription d'un contrat d'assurance vie, de capitalisation ou de retraite individuelle. La nouvelle recommandation de novembre 2024, qui remplace celle de 2013, reprend ces éléments. Mais elle les complète pour tenir compte de l'évolution de la réglementation en matière d'ESG. Ainsi, la recommandation rappelle que le distributeur doit interroger le client sur ses éventuelles préférences en matière de durabilité. En effet, suite à la loi Industrie Verte, ces éventuelles préférences font désormais partie des objectifs d'investissement à prendre en compte dans le devoir de conseil. La nouvelle recommandation va également au-delà de la question de la connaissance client. L'ACPR développe en effet ses attentes en ce qui concerne la motivation à apporter au conseil et les explications ou certaines alertes à fournir aux clients. Elle détaille également des préconisations spécifiques au Plans d’Epargne Retraite individuel. Par ailleurs, en présence d'une clause bénéficiaire, l'ACPR indique que le distributeur doit éclairer le souscripteur sur l'importance et le fonctionnement de la clause bénéficiaire et, si le client en exprime le besoin, l'accompagner dans la rédaction de la clause.

Gilbert Roux : Alors, nos partenaires CGP et courtiers qui exercent dans le monde de l'épargne ont, je dirais, presque l'habitude d'avoir à gérer les différentes recommandations et d'adapter leurs pratiques en conséquence. Mais par contre, ce que vous m'avez appris en préparant cet entretien, Caroline, c'est que les autres produits d'assurance sont également concernés.

Les autres produits d'assurance sont-ils également concernés ?

Caroline Jovet : Absolument, et c'est totalement nouveau. La nouvelle recommandation concerne tous les produits d'assurance, donc notamment les produits d'assurance dommages ou de prévoyance qui n'étaient pas visés par la recommandation de 2013. Pour tous ces produits, l'ACPR formule des exigences concernant le devoir de conseil à la souscription, mais aussi en cours de vie du contrat. Avant la souscription d'un contrat non-vie, les attentes portent sur le recueil des informations pertinentes auprès du client, la gestion du risque de cumul d'assurance, les explications à apporter aux clients sur les garanties, en s'appuyant sur l’IPID et la motivation du conseil. L'ACPR insiste sur la nécessité de justifier la cohérence des garanties proposées avec la situation personnelle du client. Par ailleurs, en présence d'une clause bénéficiaire, là encore, l'ACPR développe les mêmes attentes qu'en matière d'assurance vie. Le distributeur doit éclairer le souscripteur sur l'importance et le fonctionnement de la clause bénéficiaire et, si le client en exprime le besoin, l'accompagner dans la rédaction de la clause. Après la souscription d'un contrat de non-vie, l'ACPR attend des distributeurs une démarche de conseil périodique, selon une méthodologie développée dans la recommandation. Cette exigence n'est pas posée par un texte légal ou réglementaire, mais l'ACPR considère qu'il s'agit d'une bonne pratique.

Gilbert Roux : Avant de clore cet entretien, Caroline Jovet, est-ce qu'il y a une dernière chose qu'il faut retenir ?

Caroline Jovet : Le calendrier. La nouvelle recommandation est applicable à partir du 31 décembre 2025. Elle s'appliquera bien entendu dans le cadre de la souscription de nouveaux contrats, mais également pour le conseil sur les contrats d'assurance en cours.

Gilbert Roux : 31 décembre 2025, c'est donc sur cette date que nous allons nous quitter. C’était un grand plaisir de vous accueillir pour nous éclairer sur ces nouvelles mesures. Merci beaucoup, Caroline Jovet et je vous dis à bientôt. Merci.

Caroline Jovet : Merci à vous. A bientôt.

Citation
La nouvelle recommandation est applicable à partir du 31 décembre 2025. Elle concerne tous les produits d'assurance, donc notamment les produits d'assurance dommages ou de prévoyance qui n'étaient pas visés par la recommandation de 2013. Elle s'appliquera bien entendu dans le cadre de la souscription de nouveaux contrats, mais également pour le conseil sur les contrats d'assurance en cours. Caroline Jovet
 

Caroline Jovet

Intervenante

Diplômée de Master 2 en Droit Privé puis en Droit des Assurances, Caroline Jovet débute sa carrière juridique à la Fédération Française de l’Assurance avant de rejoindre la Direction juridique et fiscale de BNP Paribas Cardif en 2008. Spécialiste des réglementations qui encadrent la distribution d’assurance, elle accompagne les différentes entités de BNP Paribas Cardif sur ces sujets. Elle est également membre de la Plateforme Regulatory du Groupe BNP Paribas et membre de la Commission Distribution de France Assureurs.